À Rémi, anagramme de « Aimer » (résumé)
Préambule
Quels sont les critères qui peuvent nous permettre de classer ce que nous vivons dans une catégorie de « belle histoire » ? Qu’est-ce donc qu’une belle histoire ?
Doit-on y trouver du bonheur à chaque ligne, une fortune à chaque coin de rue, un plaisir à chaque geste, un amour à chaque rencontre ? Une belle histoire ne peut-elle donc pas commencer par un simple « bonjour » dit à la croisée des chemins, dans un bureau, dans un train ou dans un salon littéraire ? Et si une grande majorité de nos histoires étaient déjà de belles histoires ?
Chapitre I
Francine et Jean-Charles
Francine est une femme de ménage comme il y en a beaucoup autour de nous. Mais les voit-on lorsque nous sommes pris par le tumulte quotidien ?
Nous sommes en gare de Montgeron-Crosnes, le lundi 16 décembre 2002. Un jour comme les autres, ou presque…
Après son travail, au détour d’une rue, elle croise Jean-Charles, un SDF assis sur un banc.
… « Bonjour, je m’appelle Francine, je vous vois parfois à la gare lorsque je passe le balai ou m’occupe des poubelles… »
« Je sais » dit-il avec un signe de paupières plein de compréhension, « je vous ai déjà vue là-bas ! »…
Mais cette fois-ci, quelle mouche a piqué Francine ? Non seulement elle ose lui parler mais, pire que tout, elle va jusqu’à l’inviter à venir manger chez elle.
Chapitre II
La table ouverte
…Une association parmi tant d’autres. Une aide mais surtout un partage sans condition avec ces gens qui n’ont plus rien. La galère, elle, ne fait pas de différence. Elle peut toucher tout le monde et même celui ou celle qui se croit « à l’abri »…
Jean-Charles le sait bien car lui-même travaillait avant de devenir SDF. Cela peut arriver à tous ! C’est sans doute cela qui gêne les autres. Lorsqu’ils le croisent, ils l’évitent, des fois que ce soit autant contagieux qu’une maladie dite « honteuse ». Au sein de cette association, les « laissés pour compte » ou simples « nécessiteux » retrouvent, chaque samedi, une vie sociale relative…
…Aider, c’est un bien grand mot qui ne trouve pas toujours écho. Être humain, n’est-ce pas aussi savoir aider ceux qui en ont besoin ? Loin de tout réseau social des plus virtuels, n’est-il pas plus porteur d’être partie-prenante et, surtout, actif devant le besoin sans cesse croissant ?
Chapitre III
L’Ange du métro
…Un Ange, vous dis-je. Et tous ceux qui le connaissent, même un peu, savent comme il porte bien son prénom. Un « petit vieux » qui ne paraît pas du tout son âge. À tel point qu’un passant, un de ces types pas très malins sans doute, vient tout juste de lui dire une aberration qui, pourtant, est souvent dans l’esprit des passants.
« Tu ferais mieux d’aller travailler au lieu d’être là, à faire la manche ». Pas très malin, c’est certain ! Qu’il ne fasse pas son âge, c’est une certitude, mais de là à se dire qu’il pourrait travailler, c’est une autre histoire.
« Tu penses bien » lui rétorque-t-il, « à presque quatre-vingts piges, je vais certainement en trouver du boulot ! » …
Il en a vu de toutes les couleurs dans sa vie. Pourtant, il est là, avec son lecteur-cassettes à vouloir apporter un semblant de bonheur aux quidams qui passent sans le voir. Jean-Charles commence à bien le connaître, à force de passer quelques minutes à discuter avec lui, lorsque son temps n’est pas compté à cause d’un train ou d’un RER encore en retard
…
Chapitre IV
Isabelle ou l’art d’écouter
Isabelle vit seule avec son fils mais n’en est pas moins entourée. Au sein de son travail comme dans la vie. Elle a cette fibre relationnelle qui fait d’elle une belle et bonne personne. Toujours à l’écoute des autres, quel que soit le niveau socio-culturel de ses interlocuteurs…
« Maman »
« Oui ? »
« J’ai vu quelqu’un qui était fatigué et qui tendait la main dans la rue ce matin. Je lui ai donné la barre vitaminée que tu m’avais donnée pour mon goûter. Tu sais, ce n’est pas la première fois que je le vois là. Et tout le monde passe devant lui, sans le voir. Moi, je lui dis bonjour et à chaque fois il me sourit en me répondant bonne journée… »
« Un peu comme Ange », le papy du métro, se dit Isabelle…
Guillaume est à bonne école avec sa mère qui sait ce que veut dire « être humain ». De cet humanisme qui ne demande aucun effort ni dépense mais juste d’un peu de ce que l’on peut appeler de l’« amour », au sens pur du terme.
…
Chapitre V
L’aide aux devoirs, un vaste programme !
L’« aide aux devoirs », plus communément appelé « soutien scolaire », sur Yerres, a été créé par une association de bénévoles, pour aider les enfants en difficultés scolaire. Ainsi, des bénévoles assurent une permanence afin d’aider, comme le nom l’indique, les enfants qui le désirent, à faire leurs devoirs scolaires. Bénévoles de tous niveaux, scolaires comme socio-culturels, sont là pour accompagner les enfants, quel que soit leur niveau, selon leurs possibilités. Des parents d’élèves, des profs à la retraite sont là pour accueillir et aider les enfants en difficulté mais pas uniquement…
…Moussa s’en souvient encore : « La lecture ce n’était vraiment pas mon truc, pourtant, grâce à Martine et à sa manière de nous présenter les trucs à lire, maintenant, j’adore ça. Je dévore même des livres d’histoires vraies, du passé... des livres "historiques", alors que je n’aimais pas non plus l’histoire à l’école ! »
…
Chapitre VI
Plus qu’une vocation
C’est à l’été 1997, à l’occasion des « Journée Mondiales de la Jeunesse », que l’on a commencé à voir ce que Rémi avait à nous montrer, par l’exemple de petites actions. Petites actions qui font, mises bout à bout, les grands mouvements. De nombreuses preuves de ce que pourrait être l’humanité, en toute simplicité, par nos simples gestes quotidiens.
…C’est à compter de ce jour que commence l’engagement très profond et puissant de Rémi, lui qui était là à leur arrivée, du haut de ses sept ans à peine, à plus de deux heures du matin, pour accueillir ces jeunes qui s’en retournent déjà chez eux, le coeur et l’esprit remplis d’espoirs.
…
Chapitre VII
Le collège
« Un collégien comme les autres » pourrait-on croire à prime abord. Pourtant, il était, là aussi, apprécié et connu pour son charisme et tout le bonheur qu’il apportait autour de lui. D’une dispute évitée grâce à lui, aux « nouveaux » qui débarquent en pleine année scolaire qu’il accueillait, autant d’exemples de simples gestes d’humanité que tout être « humain » pourrait et devrait être capable de faire sans même y réfléchir.
…Ce gamin a un don tout particulier pour l’écoute, la compréhension et surtout pour savoir dire les mots justes. Les mots dits avec les yeux et venant du fond du coeur, de ces mots qui soignent les maux de ce monde ! Rémi est là, simplement, lui-même. Comme beaucoup d’autres, comme cet homme qui va prendre son train, chaque matin de la semaine…
…
Chapitre VIII
Un simple bonjour…
Nous-même, nous pourrions, avec un petit effort au début mais tout naturellement au fil du temps, avoir ce regard positif et bienveillant sur les personnes qui nous entourent.
…Tous les matins, nous sommes des centaines, des milliers, des millions, des milliards de personnes à circuler de part et d’autre du globe pour nous rendre au travail, en cours, faire quelques courses ou simplement bouger… Mais combien d’entre nous lèvent le nez pour regarder ce qu’il y a devant nous ?...
…Un jour, un bonjour, une tête levée pleine de surprise et d’étonnement…
Ce matin, demain et les jours suivants ?
…Un jour encore, un petit « bonjour » tout timide en réponse…
C’est petit-à-petit qu’un oiseau fait son nid, mais c’est également petit-à-petit que le monde peut changer et s’améliorer.
…
Chapitre IX
Prendre son temps n’est pas le perdre !
Au-delà du simple bonjour, nous pouvons aussi changer les choses, par nos actions et réactions, dans notre vie de tous les jours. Une personne qui cherche son chemin, nous en voyons tous les jours. Une autre qui pourrait lui indiquer par où passer mais, trop pressée, qui s’empresse de passer sans même réagir. Pourquoi donc perdre du temps à indiquer son chemin à un quidam ? Mais, qu’est-ce que cinq minutes changent dans la vie ?
…Raymond, lui, Paris, il ne connaît pas trop en fait. Pourtant il est toujours prêt à indiquer une direction, un trajet à qui peut être perdu, principalement quand il s’agit du métro ou du RER. Ce n’est pas pour rien qu’il a toujours un ou deux plans dans ses poches. Et puis, il se dit : « si un jour je vais dans une ville que je ne connais pas ou dans un pays lointain, je serai le premier à apprécier que l’on m’aide à m’orienter ! »…
…
Chapitre X
Nul n’est à l’abri !
Nombreuses sont les histoires de SDF qui commencent comme nos propres histoires. C’est sans doute pour cela que leur contact nous fait peur. Très rares sont ceux qui ont réellement choisi d’être « Sans Domicile Fixe ». Le plus souvent, ce fut involontaire et progressif. Certains ont un parcours accidenté et d’autres ont simplement « manqué de chance » tout au long de leur vie. Pour certains, ce fut très rapide et pour d’autres plus progressif.
…Jour après jour, le moral de Martin est en déclin le plus total. Hier, il a fait une erreur en remontant une pièce d’un moteur de minibus et un accident, qui aurait pu être mortel, a été évité de justesse. Il s’agit d’une faute trop importante, trop grave, pour que son patron laisse passer ça. Maintenant, il le met à des tâches plus simples et, surtout, sans risque de mise en danger des clients…
…Quinze ans, cela fait maintenant quinze ans que Martin a disparu de la circulation…
…Quand il en parle à Bruno, Martin a la larme à l’œil. Pensez donc, il n’a jamais oublié Sylvie et encore moins Cécilia, sa fille qui doit avoir dix-sept ans maintenant…
…
Chapitre XI
Le monde est petit !
…Justement, « il n’y a que les montagnes qui ne se rencontrent pas »… Ça, Bruno le sait très bien. Il donne souvent l’exemple le plus marquant qu’il a connu dans sa vie. Il n’avait alors que dix-huit ans à peine…
Bruno se souvient de l’été 1980, en pleine nuit, sur une route déserte. Après avoir passé la soirée, sur une plage avec quelques vacanciers de diverses régions, il part en vélo pour rentrer se coucher.
…La nuit étoilée est tombée, la plage est éclairée par la lune. D’une lune assez lumineuse pour qu’il reprenne la route, à vélo, en vue de rejoindre sa chambre d’hôtel, située à l’autre bout du village. Pour cela, il lui faut emprunter une route des plus désertes à cette heure-là. Vous pensez, en plein été, route de campagne, à une heure du matin, un mercredi. Vous vous doutez bien qu’il ne risque pas de croiser âme qui vive sur la D34, en quittant la plage de Caroual, pour rentrer sur le port d’Erquy…
Il est à quatre-cents kilomètres, à vol d’oiseau, de son travail pourtant il se retrouve avec un collègue. Circonstances particulières d’une rencontre impossible mais, pourtant, réelle. Lui, à vélo, son collègue en voiture. Passé la peur de sa vie, ce fut la stupéfaction de voir que, dans la vie, il n’y a véritablement que les montagnes qui ne se rencontrent pas. Même à une heure du matin sur une route déserte.
…
Chapitre XII
Un train peut en cacher un autre
…Mais, surtout, un train, ça voit du paysage, beaucoup de paysages différents. Et, derrière chaque paysage, derrière tous ces paysages, il y a des histoires. Des tas d’histoires de toutes sortes, de belles comme de moins belles.
Nous voilà de retour en 2003. Les trains se suivent et les histoires ne se ressemblent pas…
N’avons-nous jamais pensé à ce que pourrait être l’histoire de ces gens que l’on voit, sur le quai de la gare ou, depuis le train roulant, dans la rue comme dans un champ ? N’avons-nous jamais rêvé à quelle serait la destination d’un avion qui passe dans le ciel ?
Ce sont autant d’histoires, aussi différentes que similaires les unes des autres, qui se déroulent, là, devant nos yeux, sans même que nous n’y fassions spécialement attention.
…
Épilogue
Rémi n’avait que sept ans lors des Journée Mondiales de la Jeunesse (JMJ) qui se sont déroulées, sur Paris et sa région, en 1997. Déjà à ce moment-là, il avait cette humanité en lui qui fait défaut à bien trop de gens de nos jours. C’est à cette époque qu’il a décidé de participer, chaque samedi midi, à l’accueil des SDF et autres personnes nécessiteuses, au sein de l’association « La Table Ouverte » qui officie sur Yerres, en Essonne…
Toute sa vie, du plus jeune âge jusqu’à sa mort à treize ans à peine, restera un exemple d’humanité.
…Le jour de son enterrement, nous étions allés rejoindre Rémi et c’est à bord du corbillard que nous sommes allés à l’église où a eu lieu la messe d’adieu. La route nous a fait passer au-dessus du collège de Rémi. Au passage du corbillard, des jeunes qui étaient alors dans la cour, ont très certainement compris qu’il s’agissait de Rémi et lui ont adressé des signes de la main.
L’église était, là aussi, bondée. Nous n’avions rien demandé mais ils étaient tous là, pour Rémi !
La vie de Rémi peut se résumer en un message principal
…Ce message est bien simple :
« Il suffit de se parler
pour apprendre à se comprendre
et à s’aimer. »…
Son sourire faisait le reste !
Gardons cela en nous :
Avant de chercher nos différences,
regardons nos points communs
et apprenons à nous comprendre !

